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Une idée par jour concoctée par un noble vieillard facétieux. Accueil A propos navigation En passant par le siècle (5) 29 novembre, 2011 Posté par walterlewino dans : Histoire , 3 commentaires (suite du 28 novembre) Au bout d’une petite heure le chef steward, ne me voyant pas revenir, commença à dessouler et décida d’aller voir ce qui se passait. Surprise à bord pour ceux qui nous avaient bloqués dans le frigo : le chef steward, ce salaud, était là et bien là, ce n’était pas lui qui avait été victime de leur ignoble farce. En fait nous étions restés enfermés moins d’une heure et demie, peut-être les 90 minutes les plus longues de ma vie. Je n’ai jamais su qui étaient les rigolos qui nous avaient enfermés. Quelle importance. Même le chef steward sembla attacher peu d’importance à l’événement. Il est vrai qu’on en voit tellement à bord, surtout sur un rafiot du genre du M V Tibia, battant pavillon hollandais, rallié à l’Angleterre dès 1940, dont les officiers étaient d’origine, mais l’équipage complètement hétéroclite et en perpétuel renouvellement : cinq ou six nationalités différentes, aventuriers de passage, déserteurs de l’armée ou de la marine… tous plus ou moins marins et fidèles aux grandes traditions de la mer. Les traditions de la mer, parlons-en. Est-ce qu’elles voulaient que le chef steward en second, un grand frisé de 22 ans, doué d’une sexualité de haut vol, accommode les plats du chef mécanicien, qu’il servait à table et qu’il ne pouvait pas blairer, d’une sauce au sperme ? C’était effectivement un exceptionnel producteur de semence. Tranquillement, devant nous et sans honte, il se masturbait à la vitesse grand V et répartissait la giclée harmonieusement sur le plat à servir. Ce jour-là j’ai appris qu’on peut engueuler un patron de bistrot, mais jamais un serveur. – IV – Le chef steward du MV Tibia était un des rares Anglais attaché au navire. Alcoolique par désœuvrement, pédéraste par nécessité, mais bon bougre au demeurant et remarquable jouer d’échecs, ce que je devais un soir apprendre à mes dépends. Je savais joueur aux échecs et pensais y être plutôt bon, alors que je n’étais qu’un petit pousseur de bois. Il est vrai que mes seuls adversaires avaient été mon père, ses amis Jean Léon et Bissière, le jeune Loutre et un ou deux godelureaux de mon école. Chaque fois ma concentration, mon sens de la logique et mon penchant pour la lutte m’avaient permis de m’imposer. C’est donc fort de cette certitude que j’acceptai de faire une partie avec mon chef. Au bout d’une dizaine de mouvements j’étais foutu, j’avais beau imaginer toutes les possibilités je ne voyais pas comment m’en tirer. « Erreur, m’annonça l’adversaire, tu as encore deux possibilités » et il me proposa, moyennant un pari d’une livre, d’échanger nos jeux et de me le prouver. Marché conclu. De nouveau après une dizaine de mouvements j’étais foutu. Cette fois c’était sûr, impossible de m’en sortir. De nouveau j’accepte un pari d’une livre pour changer de camp. Assez rapidement je fus échec et mat. Quand j’ai voulu payer les deux livres des paris perdus, il me les refusa d’un haussement d’épaule. « Tu ne sais pas jouer, tu pousses du bois. Dès ton ouverture j’ai compris que t’étais nul. » Voilà qui me dégoûta à tout jamais des jeux de stratégie. Mieux, quand bien des années plus tard j’ai inventé comme par hasard ce Shootball dérivé du jeu de dames qui consiste à envoyer un pion-ballon dans le but adverse, jeu dont quelques fanas prétendent qu’il offre autant de possibilités que les échecs et à propos duquel Alain Garnier a pondu une étude de 200 pages, eh bien ! je n’ai jamais été capable de jouer moi-même au jeu que j’avais inventé ! – V – Ma plus douloureuse expérience, en tout cas la plus angoissante, je l’ai connue non pas en pleine mer mais au port, à Halifax, le soir même de notre arrivée. Libres de leur temps quelques marins…… (suite demain) -- Rigueur Posté par walterlewino dans : Non classé , ajouter un commentaire Valérie Pécresse défendant notre A menacé par une agence de notation -- En passant par le siècle (4) 28 novembre, 2011 Posté par walterlewino dans : Non classé , ajouter un commentaire (Suite du 27 novembre) J’ai connu la bataille de l’Atlantique Nord à la manière du petit Del Dongo à Waterloo, mais d’un Del Dongo peu soucieux d’héroïsme, s’évertuant à lutter contre …. le mal de mer, à bien faire la vaisselle, bien nettoyer les chambres, bien laver et repasser les vêtements des cinq officiers mécaniciens dont il avait la charge. Mon patron à bord, chef steward et cambusier, m’avait d’autorité pris sous son aile. Parce que j’étais le plus jeune ? Français ? à l’évidence de bonne éducation ? Probablement parce que j’étais d’apparence fragile, plutôt mignon, avec ce soupçon de féminité – cela m’a bien passé – qui convient au vieux marin privé de sexualité. Un matin qu’il émergeait péniblement d’une cuite nocturne, il me fit venir et me confia le trousseau des clefs de la réserve et du grand frigidaire situés près des cuisines sur le pont arrière du bateau, trousseau qui ne le quittait jamais. Me voilà parti, cinglé par les rafales d’un vent glacial, sur la longue passerelle qui reliait les deux ponts, m’accrochant comme je peux aux rambardes couvertes de glace, la liste des produits destinés au chef coq bien serrée contre moi. Le frigo était un véritable appartement, une sorte de F3, avec pièce centrale, à droite la viande à +2°, à gauche la bière et les légumes à +5°. Je note soigneusement les quantités prises par le chef, et merde ! au moment de ressortir impossible de rouvrir la porte. Pas possible, elle ne ferme pas automatiquement, mais en rabaissant deux grandes barres sur lesquelles se fixent les cadenas. Pas possible ! mais si, mais si, on a beau tempêter, hurler, cogner la porte de toutes nos forces, tu parles, avec le vacarme des 12 000cv des moteurs juste en dessous de nous. Rien ne se passe. Pas trop grave pour moi qui porte une grosse houppelande fourrée de marin, mais le coq, ce grand imbécile de Norvégien qui sort de ses fourneaux est vêtu du pantalon à carreaux bleus et blancs des cuisiniers et d’une chemise légère, de plus ce malheureux Viking fait au moins 1m90 alors que le frigo doit plafonner à 1m80, ce qui l’oblige à se pencher en avant ou à tordre sa tête de côté. Rapidement le froid nous gagne, surtout lui. Il tente un moment de s’asseoir sur un cageot, mais les fesses gelées il doit retrouver sa haute taille de pantin désarticulé. Un moment je le vois bigler dangereusement sur ma houppelande. Ma générosité naturelle devrait me pousser à la partager avec lui, mais ma prudence non moins naturelle me fait comprendre qu’il me serait alors difficile de la récupérer, d’autant qu’il a une solide réputation de bagarreur. Je préfère fuir son regard et serrer fortement ma houppelande contre mon buste. Combien de temps cela dura-t-il ? Une heure, deux, cinq ? Nous n’avions de montre ni l’un ni l’autre. Régulièrement une des corvettes qui nous accompagnaient larguait une bombe de profondeur au cas où un U boat traînerait dans les parages et les 16 000 tonnes de notre tanker sursautaient violemment. Un moment j’ai pensé que nous étions en train de couler, et l’idée que j’allais terminer ma vie au fond de l’océan, entouré de légumes et de bidoche me parut ridicule. Ma mère ne m’avait pas mis au monde pour une fin aussi grotesque. Enfin la porte s’ouvrit, ils étaient toute une troupe à nous attendre. Curieusement le cuisinier se réfugia dans le fond du frigo, se mit à genoux et se mit à prier, il fallut pratiquement le faire sortir de force. À partir de ce moment là il eut un comportement bizarre et fut emmenée dans un hôpital dès notre arrivée à Halifax. J’ai vite compris ce qui s’était passé. Mon chef steward, une sorte de super économe, était accusé par l’équipage de les rationner pour s’en mettre plein les poches. Quand quelques marins s’étaient aperçus que les barres n’avaient pas été cadenassées en position de porte libr, pensant que leur affame